Entretien
Réduire les inégalités et accélérer la réalisation des ODD

Transformations agricoles et sécurité alimentaire : Un dialogue Sud-Nord

2 novembre 2023
Entretien

3 questions à Augustin Grandgeorge

 

Quels sont les défis présents et futurs concernant la sécurité alimentaire ? 

 

Augustin Grandgeorge : D’abord, la sécurité alimentaire – qui veut dire que toutes les personnes ont un accès physique, économique et social à une nourriture suffisante, saine et qui couvre leurs besoins nutritifs – est loin d’être atteinte. En 2022, selon la FAO (Food and Agriculture Organization), 9,2% des habitants de la planète étaient en situation d’insécurité alimentaire. Ce problème touche particulièrement le continent africain – 22% de la population y est en insécurité alimentaire – et va augmenter pour deux raisons : d’une part le changement climatique, qui fait diminuer les récoltes, et d’autre part la hausse démographique – la Terre comptera 9,7 milliards d’habitants en 2050, dont 2,5 milliards en Afrique. Le défi du siècle, ça va donc être de produire plus, tout en décarbonant, en augmentant l’accès à l’alimentation et en réduisant les pertes agricoles et alimentaires.

 

Comment le problème se pose-t-il en termes de gouvernance globale ?

 

AG : Il y a trois principaux problèmes aujourd’hui. D’abord, le continent africain est trop souvent regardé comme une source de problèmes et non de solutions pour la sécurité alimentaire. Or, c’est un continent – d’abord très varié tant dans ses climats, ses sols que ses cultures – qui dispose à la fois d’une forte expérience d’agriculture en milieu aride et tropical ainsi que de fortes potentialités pour nourrir sa population croissante, voire davantage. Ensuite, l’agenda de protection du climat et de l’environnement a tendance à être opposé avec celui du développement agricole et de la sécurité alimentaire. Les pays d’Europe ou d’Amérique du Nord se montrent plus attachés à la question climatique, et les pays d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie du Sud semblent accorder plus d’importance – ce qui est normal – à l’insécurité alimentaire. Ces divergences empêchent parfois d’avancer, car en réalité il n’y aura pas de protection de la planète sans sécurité alimentaire, et inversement. Les problèmes sont globaux, et nous avons des intérêts et des responsabilités en commun. Enfin, il y a un manque d’investissement public et privé chronique dans les transformations agricoles, notamment sur le continent africain.

 

Comment le Forum de Paris sur la Paix essaye-t-il de travailler à des solutions ?

 

AG : Le Forum porte une initiative pour rapprocher les agendas climat et développement agricole, et pour renforcer le dialogue entre le Sud et le Nord sur les questions de transformations agricoles pour une sécurité alimentaire qui soit durable. Cette initiative cherche à rassembler des gouvernements, des organisations internationales, des philanthropies, des entreprises ou des ONG – tout le spectre multi-acteurs avec qui le Forum travaille d’habitude – pour provoquer une mobilisation générale sur le sujet, aider à débloquer le grand potentiel agricole du continent africain, et créer à terme une instance de dialogue qui pourra émettre des recommandations visant à réconcilier les agendas productifs et environnementaux. Ce dialogue va commencer avec une table ronde lors du Forum de Paris sur la Paix 2023, intitulée « Dialogue Sud-Nord au service de l’atteinte des ODD 2 et 13 en Afrique : pour une révolution agricole au service d’une sécurité alimentaire durable ».

 

A propos de l'interviewé :

Augustin Grandgeorge est Conseiller auprès du Directeur des initiatives politiques au Forum de Paris sur la Paix.