
Un nouveau consensus pour le monde post-Covid : Tout le monde sur le pont - Vers un multilatéralisme inclusif
Lors du Forum de Paris sur la Paix, le 12 novembre dernier, le président français Emmanuel Macron et d’autres dirigeants mondiaux ont lancé une discussion internationale sur l’élaboration d’un nouveau consensus pour le monde post-Covid-19. Cette discussion se poursuit par un débat continu, avec des contributions de dirigeants et d’experts du monde entier. Découvrez la tribune de Thomas Paulsen, membre du conseil exécutif de Körber-Stiftung, l’un des membres fondateurs du Forum de Paris sur la Paix
Tout le monde sur le pont : Vers un multilatéralisme inclusif
Ne jamais fermer les canaux de communication, quels que soient les désaccords. Entretenir les relations directes plutôt que les rumeurs et les accusations. Ces objectifs sont au cœur de la diplomatie et de la coopération internationale. Dans un monde marqué par des tensions géopolitiques croissantes, une accélération de défis mondiaux qui nous impactent tous et de multiples menaces envers un ordre international fondé sur des règles, ces objectifs constituent également le premier pas vers un multilatéralisme inclusif. Mais que signifie réellement le terme « inclusif » ? Et pourquoi est-il vital que le multilatéralisme soit inclusif ? La réponse est à la fois simple et complexe : l’une des caractéristiques du système international actuel est la dissémination du pouvoir des États vers un éventail beaucoup plus large d’acteurs (entreprises, société civile, villes, autorités locales). Parmi ces acteurs, on peut trouver des entreprises mondiales comme Google ou Apple, des ONG comme la Fondation Bill et Melinda Gates dont les subventions annuelles se chiffrent en milliards de dollars ou des mégapoles et mégalopoles telles que Tokyo ou Guangzhou qui comptent plus de 40 millions d’habitants. Par conséquent, pour être efficace, le système multilatéral du XXIe siècle ne peut plus être centré sur l’État ; il doit inclure une diversité d’acteurs. La crise du Covid-19 l’a montré très clairement : nous ne pourrons résoudre un problème d’ampleur mondiale, qui ne connaît littéralement aucune frontière, sans l’intervention de toutes les parties prenantes concernées.
Des initiatives telles que le Forum de Paris sur la Paix, lancé en 2018 à l’initiative du président de la République française Emmanuel Macron, reconnaissent que la plupart des défis de gouvernance mondiale (changement climatique, cybermenaces, distribution de vaccins, etc.) ne peuvent être résolus par les États seuls. Ces initiatives permettent donc aux acteurs non étatiques de se réunir, de façonner et de compléter le processus politique aux côtés des États. Chaque année, tous les acteurs de la gouvernance internationale disposent d’une plateforme pour discuter et concevoir des initiatives multi-acteurs pour le bien commun.
Afin de repenser la gouvernance mondiale au-delà du cadre institutionnalisé des Nations Unies, la communauté internationale peut s’appuyer sur les idées et recommandations d’organisations non gouvernementales, d’instituts de recherche, de représentants d’entreprises et de réseaux de citoyens tels que la Coalition for the UN We Need. L’histoire de la gouvernance mondiale regorge également d’exemples de coopération entre États et acteurs non étatiques ayant mené à la création de normes ou la mise en œuvre de politiques, qu’il s’agisse du Forest Stewardship Council (FSC), du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), de la Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (ICANN) ou de l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace. Pour relever les défis mondiaux les plus pressants, il faut inclure les acteurs de terrain dans l’élaboration des politiques de la communauté internationale et profiter de leurs connaissances et de leurs capacités.
Pour autant, les États n’ont pas perdu leur utilité. Au contraire, ils demeureront les acteurs centraux de la coopération multilatérale et auront un rôle actif à jouer dans le développement d’un système multilatéral inclusif. Leur pouvoir rassembleur unique et leurs réseaux leur permettent de promouvoir le dialogue et de faciliter l’émergence de coalitions thématiques, sur lesquelles leurs politiques étrangères s’appuieront de plus en plus dans les années à venir. L’Alliance pour le multilatéralisme, une initiative franco-allemande présentée par les ministres des Affaires étrangères Maas et Le Drian lors du Forum de Paris sur la Paix 2019, en est un exemple.
Les enseignements tirés de la pandémie de Covid-19 doivent être mis à profit pour faire face à la crise multidimensionnelle du multilatéralisme. Les initiatives susmentionnées contribuent à encourager le renouvellement du système multilatéral. Continuons à œuvrer en faveur d’un processus décisionnel multilatéral véritablement inclusif et de ses bienfaits pour les populations du monde entier. Car l’inclusion est une condition préalable indispensable pour renforcer la légitimité du système international et relever efficacement les défis mondiaux actuels avec le soutien des citoyens. Le multilatéralisme du monde post-Covid-19 devra être inclusif. Ou il ne sera pas.

Thomas Paulsen est membre du conseil exécutif de Körber-Stiftung, l’un des membres fondateurs du Forum de Paris sur la Paix.