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Un nouveau consensus pour le monde post-Covid : L’importance d’une société civile libre et robuste pour le monde post-pandémique

Lors du Forum de Paris sur la Paix, le 12 novembre dernier, le président français Emmanuel Macron et d’autres dirigeants mondiaux ont lancé une discussion internationale sur l’élaboration d’un nouveau consensus pour le monde post-Covid-19. Cette discussion se poursuit par un débat continu, avec des contributions de dirigeants et d’experts du monde entier. Découvrez la tribune de Joyce Ajlouny, secrétaire générale de l’American Friends Service Committee (AFSC).

L’importance d’une société civile libre et robuste pour le monde post-pandémique

Alors que le monde se remet à peine du pic de la pandémie de Covid-19, nous sommes confrontés à d’immenses défis. Tandis que les taux d’infection baissent et que les restrictions sont levées aux États-Unis et en Europe occidentale, de nombreux pays du Sud sont confrontés à une troisième vague du virus. Des millions de personnes ont perdu des proches et doivent faire face à des difficultés économiques.

Les mouvements locaux et les organisations de la société civile sont désormais confrontés à de nouvelles restrictions. Les gouvernements ont adopté des politiques nécessaires et urgentes pour protéger la santé publique. Mais certains utilisent la pandémie pour servir leurs objectifs politiques, en imposant des états d’urgence sans fin, avec des aux conséquences dangereuses et durables.

Le Covid-19 a accéléré les restrictions imposées aux libertés civiles depuis dix ans. Cette tendance s’inscrit au sein d’un glissement mondial vers l’autoritarisme. Les gouvernements ont mis en place des restrictions des libertés civiles qui touchent à la liberté d’expression, la vie privée et la liberté de mouvement. Ces restrictions viennent empirer la situation des populations déjà marginalisées. Nous assistons à une militarisation accrue des frontières, une augmentation des violences policières et, sous couvert de protéger la santé publique, une augmentation massive du recours à la surveillance. Les campagnes de diffamation et les attaques contre la presse et les militants se multiplient aussi.

Au Zimbabwe, par exemple, le gouvernement s’est servi des restrictions liées à la pandémie comme prétexte pour sévir contre les journalistes et les dirigeants de l’opposition – dont nombreux ont été arrêtés puis détenus en prison où ils ont été exposés à des conditions sordides et à des taux élevés d’infection au Covid-19. La législation appelée « Loi patriotique » – qui rend illégale toute critique du gouvernement – a encouragé les campagnes de diffamation visant les dirigeants de l’opposition, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.

Mais les groupes de la société civile se défendent et ont réussi à faire pression sur le gouvernement pour qu’il libère une partie des personnes emprisonnées. En parallèle, des militants luttent contre la désinformation en appelant à une plus grande transparence des médias dans l’espace numérique.

Aux États-Unis, l’administration Trump a utilisé la pandémie pour justifier la fermeture de la frontière sud aux demandeurs d’asile, violant ainsi le droit américain et international et allant à l’encontre des recommandations d’experts en santé publique. Cette fermeture a entraîné l’expulsion rapide de dizaines de milliers de migrants (dont des enfants), nombre d’entre eux échouant dans des conditions insalubres sans accès à des services de soutien.
Si le président Biden a pris des mesures pour revenir sur certaines politiques migratoires de l’ère Trump, il n’a pas touché au « Title 42 », permettant ainsi à ces déportations rapides de se poursuivre. Mais les organisations locales à la frontière et à travers le pays continuent de faire pression sur le président pour mettre fin à cette politique destructrice.
En Israël, alors même que des manifestations croissantes exigeaient la fin de l’administration Netanyahu, le gouvernement a fortement restreint le droit de manifester. Il a également étendu ses technologies de surveillance en utilisant les données des téléphones portables. Si le but affiché de cette surveillance est de traquer les personnes susceptibles d’avoir le virus, elle a néanmoins soulevé des inquiétudes chez les militants quant au respect de la vie privée. La société civile s’est fermement opposée à ces politiques et la Knesset a fini par mettre en place un comité de contrôle de la surveillance.

Ces quelques exemples illustrent la croissance des restrictions gouvernementales ainsi que le contrepoids crucial qu’incarnent les organisations de la société civile et des militants. Nous devons identifier, surveiller et résister à l’utilisation abusive et à la normalisation de mesures extrêmes qui restreignent la sphère publique et nuisent aux populations marginalisées. Les groupes de la société civile utilisent diverses tactiques pour contester efficacement les atteintes à leurs droits et construire un avenir sûr et équitable pour tous : manifestations, lobbying et plaidoyer au niveau local, implication de la communauté internationale, diffusion d’informations précises de manière créative et accessible et fourniture de services directs à ceux qui en ont besoin.

Les gouvernements doivent soutenir ces efforts essentiels en protégeant les libertés civiles, en limitant l’utilisation des outils de surveillance à des objectifs de santé publique spécifiques, limités dans leur durée et dans leur portée, en communiquant clairement sur les restrictions et en prenant des mesures urgentes pour aider les personnes à conserver ou à obtenir un logement et une alimentation convenables ainsi que d’autres ressources. Les pouvoirs d’urgence doivent être utilisés pour des objectifs légitimes de santé publique et non pour étouffer l’opposition ou réduire au silence le travail des défenseurs des droits de l’homme ou des journalistes. Le recours à la force et à la violence gratuites par les forces de l’ordre est inacceptable. Les dirigeants politiques doivent vigoureusement dénoncer la stigmatisation et le racisme que cette crise a généré. Par ailleurs, les groupes de la société civile doivent être inclus et consultés à chaque étape du processus.

Au cours de son siècle de travail en consolidation de la paix, l’American Friends Service Committee a constaté que les moyens utilisés pour atteindre la sécurité – que la menace provienne d’un virus, d’armes de guerre ou du racisme structurel – influencent directement la qualité et l’efficacité du résultat. La sécurité et la paix véritables ne peuvent être atteintes que lorsque les organisations de la société civile et les mouvements locaux seront traités comme des partenaires plutôt que des menaces. Nous avons tous un rôle à jouer dans la construction d’un avenir plus juste, plus pacifique et plus durable et nous devons protéger le droit de tous à participer à la construction de cet avenir.

Joyce Ajlouny, secrétaire générale de l’American Friends Service Committee (AFSC)

Joyce Ajlouny est la secrétaire générale de l’American Friends Service Committee (AFSC), une organisation quaker qui promeut un monde sans violence, sans inégalité et sans oppression. Pour en savoir plus sur l’initiative Under the Mask de l’AFSC, qui surveille les restrictions imposées par les États et milite pour la protection de la sphère publique, merci de consulter le site https://underthemask.afsc.org/