
Un nouveau consensus pour le monde post-Covid : L’avenir sera collaboratif – trois étapes pour répondre aux méga-crises mondiales
Lors du Forum de Paris sur la Paix, le 12 novembre dernier, le président français Emmanuel Macron et d’autres dirigeants mondiaux ont lancé une discussion internationale sur l’élaboration d’un nouveau consensus pour le monde post-Covid-19. Cette discussion se poursuit par un débat continu, avec des contributions de dirigeants et d’experts du monde entier. Découvrez la tribune de Charline Burton, Directrice générale, Search for Common Ground.
L’avenir sera collaboratif : trois étapes pour répondre aux méga-crises mondiales
Avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19, notre principale préoccupation était de savoir comment nous en étions arrivés là. Maintenant, nous nous demandons ce que l’avenir nous réserve.
Chez Search for Common Ground, une organisation mondiale dédiée à la consolidation de la paix, une directive simple nous a accompagnés tout au long de la pandémie.
En bref : si nous voulons répondre à des défis de vaste envergure, il nous faudra coopérer au-delà de ce qui nous divise.
Ce texte imagine un avenir collaboratif, qui s’appuie sur trois tâches : tenir compte du passé, mettre la confiance au cœur de tous les efforts et inclure les populations en marge.
Notre contexte mondial
Même avant 2020, les changements politiques et technologiques ont remis en question la pertinence des frontières. Les conflits violents étaient devenus fluides et horizontaux, et les systèmes internationaux de prévention des conflits avaient du mal à s’adapter. La confiance était en chute libre, tant entre concitoyens qu’à l’égard des institutions. Tous ces facteurs existaient avant même le premier cas de Covid-19.
Notre vulnérabilité aux pandémies s’est manifestée sous la forme d’une méga-crise. Mais nous vivons à l’ère des méga-crises : nous avons atteint un nombre inégalé de réfugiés à travers le monde, les perturbations numériques viennent s’ajouter aux menaces existantes et notre planète est assiégée par les conséquences du changement climatique.
Qu’avons-nous appris qui puisse nous préparer aux défis qui nous attendent ? En tant qu’organisation de consolidation de la paix, nous préconisons une approche en trois étapes.
Première étape : tenir compte du passé
Nous ne pourrons résoudre les problèmes mondiaux sans collaboration. Mais celle-ci est impossible si nous ne tenons pas compte du passé.
La violence et l’exclusion laissent des blessures profondes et empêchent tout progrès commun. Comment peut-on coopérer avec quelqu’un qui, hier ou il y a plusieurs décennies, menaçait votre survie ? L’acceptation du passé est essentielle à tout le reste.
Au Sri Lanka, après 26 ans de guerre civile, nous avons recueilli des témoignages sous forme d’enregistrements audio, de lettres et de dessins d’enfants. Le but de cette initiative, qui a touché 10 % des Sri Lankais, n’était pas de rouvrir des plaies, mais de reconnaître les difficiles expériences et souvenirs qui empêchent les gens d’avancer. Nous avons ainsi ouvert de nouveaux espaces de collaboration, comme le conseil que nous supervisons à Colombo, où des jeunes, des chefs d’entreprise et des fonctionnaires se réunissent pour relever les défis communs d’aujourd’hui.
En explorant le passé, nous aidons les gens à tourner la page et à envisager l’avenir, où des problèmes communs les attendent.
Deuxième étape : mettre la confiance au cœur de tous les efforts
En cours de route, nous ouvrons la porte à une confiance authentique et profonde qui permet une collaboration axée sur les solutions.
Cette année, nous avons mené des études dans six pays où nous travaillons : le Kenya, le Nigeria, l’Ouganda, la Tanzanie, les Territoires palestiniens, et le Yémen. Nous avons découvert que l’insatisfaction s’agissant de la réponse au Covid-19 et le manque d’accès à l’information alimentaient une suspicion plus générale à l’égard des mesures de santé gouvernementales et des efforts de vaccination.
Dans les pays touchés par un conflit, de nombreuses personnes ont de fortes raisons de se méfier du gouvernement et des autres détenteurs du pouvoir. Si nous ne nous concentrons pas sur la confiance et ne nous attaquons pas aux causes sous-jacentes de la méfiance, tout effort politique d’envergure sera voué à l’échec. Les décideurs politiques peuvent éviter cette erreur en regardant au-delà de leurs soutiens habituels et en s’associant à des messagers de confiance.
Troisième étape : Inclure les populations en marge
Les acteurs officiels tels que l’Organisation mondiale de la santé ont piloté la réponse à la pandémie. Mais les militants locaux – groupes de femmes, influenceurs, syndicats d’étudiants, dirigeants religieux – ont rendu accessibles les informations et les directives sanitaires et les ont traduites en actions.
Dans les décennies à venir, le pouvoir quittera encore plus les espaces décisionnaires traditionnels. Nous devons réformer nos institutions pour abandonner la bureaucratie rigide au profit de processus décisionnaires plus inclusifs.
C’est un défi auquel nous sommes actuellement confrontés en Afghanistan, où les négociations de paix dépendent de l’inclusion de populations historiquement en marge : les jeunes, les femmes, divers groupes ethniques, et bien d’autres. Il y a vingt ans, notre directrice pour l’Afghanistan était déléguée de la jeunesse dans le cadre des accords de Bonn ; aujourd’hui, elle s’efforce d’impliquer une nouvelle génération de jeunes militants. Nous ne pourrons provoquer un changement social durable, quel qu’il soit, sans travailler en dehors des couloirs du pouvoir officiel.
Avant même le Covid-19, les défis mondiaux exigeaient notre attention. Le test ultime de notre réponse à cette pandémie sera celui de la collaboration : aurons-nous appris à tenir compte du passé, instaurer la confiance et réformer les institutions officielles pour guérir notre monde ?

Charline Burton, Directrice générale, Search for Common Ground