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Un nouveau consensus pour le monde post-Covid : Faire de la résolution des problèmes un processus véritablement mondial

Lors du Forum de Paris sur la Paix, le 12 novembre dernier, le président français Emmanuel Macron et d’autres dirigeants mondiaux ont lancé une discussion internationale sur l’élaboration d’un nouveau consensus pour le monde post-Covid-19. Cette discussion se poursuit par un débat continu, avec des contributions de dirigeants et d’experts du monde entier. Découvrez la tribune du Anne-Marie Slaughter, Présidente directrice générale, New America.

Faire de la résolution des problèmes un processus véritablement mondial

Si le Consensus de Washington a été la feuille de route d’une mondialisation sans entraves pendant les deux décennies suivant la guerre froide, mue par l’économie néolibérale et l’évangile de la croissance, un Consensus de Paris émergent pourrait guider une économie mondiale durable et beaucoup plus équitable. Le Forum de Paris sur la Paix a également la possibilité d’attirer et de mobiliser une nouvelle génération d’acteurs capables de résoudre les problèmes mondiaux. Pour cela, les dirigeants des gouvernements nationaux et internationaux doivent d’abord reconnaître la nécessité de créer un statut véritablement égal pour les maires, les gouverneurs, les chefs d’entreprise, les philanthropes, les dirigeants d’organisations de la société civile, les leaders éducatifs, religieux et culturels au sein des processus décisionnels.

Le dixième principe pour le monde post-Covid va dans ce sens en convenant que « les acteurs non étatiques doivent contribuer à relever les défis mondiaux, et les coalitions thématiques doivent compléter le travail des institutions multilatérales ». Ce principe propose un rôle secondaire pour les acteurs non étatiques tandis que les États et les organisations internationales qu’ils ont créées et contrôlent restent fermement aux commandes.

Ce n’est tout simplement pas suffisant. Cette situation exclut une vaste quantité de talent, d’énergie, d’engagement, d’innovation et de ressources. Que serait le mouvement mondial contre le changement climatique sans Greta Thunberg et Extinction Rebellion ? Que serait la lutte contre les inégalités sans Black Lives Matter ? Pourrions-nous gérer des campagnes de vaccination mondiales sans l’Alliance du Vaccin ? Pourrions-nous parvenir à une fiscalité mondiale équitable sans l’adhésion et le leadership des entreprises ?

Les représentants des gouvernements nationaux seraient de droit de répondre : « Nous avons été élus par nos populations pour les représenter ou bénéficions par ailleurs d’un soutien en tant que gouvernements légitimes. » Par qui les dirigeants d’entreprises ou d’organisations civiles de toutes sortes sont-ils élus ou choisis ? Pourquoi Bill Gates et Melinda French Gates, qui ont créé la fondation qui a fourni une grande partie des fonds nécessaires au développement de GAVI, devraient-ils avoir le statut de leaders mondiaux ou d’organisation apte à résoudre les problèmes mondiaux ?

La réponse est une question de légitimité. Les spécialistes font la distinction entre la « légitimité entrante », c’est-à-dire que les décideurs sont considérés légitimes en raison de la manière dont ils ont été choisis, et la « légitimité sortante », c’est-à-dire que leur légitimité dépend de l’efficacité des résultats qu’ils obtiennent, mesurée sur une échelle de valeurs communes. En d’autres termes, personne n’a élu Bill ou Melinda Gates, ni les nombreux autres dirigeants du secteur privé et civil qui ont permis à GAVI de fonctionner (ainsi que de nombreux représentants gouvernementaux), mais l’Alliance a vacciné 65 millions d’enfants en 2019, un résultat conforme aux objectifs adoptés par les gouvernements du monde entier.

Supposons donc que la légitimité de ceux qui sont censés résoudre les problèmes mondiaux soit mesurée par leurs résultats. Supposons également que ces résultats soient guidés par les Objectifs de développement durable, qui ont été divisés en sous-objectifs assortis d’indicateurs. Les entreprises, les organisations philanthropiques, les organisations de la société civile, les universités, les villes et les provinces peuvent toutes aligner leur travail sur ces objectifs et rendre leurs progrès totalement transparents.

Le marché mondial de l’investissement à impact propose le modèle suivant : des investissements destinés à « générer un impact social et environnemental positif et mesurable en même temps qu’un rendement financier ». Selon le Global Impact Investing Network, la taille du marché de l’investissement à impact en 2020 était de 715 milliards de dollars. Dans leur livre Making Money Moral, Judith Rodin et Saadia Madsbjerg estiment que les actifs sous gestion sur les cinq principaux marchés mondiaux « utilisant des stratégies durables […] représentaient près de 31 000 milliards de dollars. »

Des termes tels que « générer un impact social et environnemental » ou « utiliser des stratégies durables » sont trop vagues pour mesurer les progrès concrets vers des objectifs spécifiques. Le monde a besoin de « centres d’impact », virtuels et/ou physiques, qui peuvent servir de points focaux pour impliquer les acteurs capables de résoudre les problèmes des milieux publics, privés et civils de manière à permettre une mesure collective, la collecte et la diffusion d’informations, la coordination et la collaboration, et la responsabilisation politique. Les Nations Unies pourraient parrainer ou stimuler ces centres en tant que points d’ancrage de ce que le secrétaire général Guterres appelle le « multilatéralisme en réseau ». Sans quoi, le champ est ouvert à tous les acteurs nationaux, sous-nationaux, mondiaux, publics, privés ou civils qui souhaiteraient essayer.

En résumé, le dixième principe pour un monde post-Covid devrait être le suivant : « Les acteurs mondiaux désireux et capables de mesurer leurs activités et leurs résultats par rapport à des indicateurs rigoureux alignés sur les Objectifs de développement durable peuvent et doivent prendre leur place aux côtés des gouvernements pour relever les défis mondiaux ». Le monde évolue trop vite pour que les gouvernements puissent le contrôler et l’empêtrer dans d’interminables lenteurs politiques et bureaucratiques ; les problèmes – et leurs solutions – nous appartiennent tous.

Anne-Marie Slaughter

Présidente directrice générale, New America

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